Le tableau Roméo et Juliette (scène des tombeaux des Capulets), peint en 1851, illustre la scène 3 du cinquième acte de Roméo et Juliette du dramaturge britannique William Shakespeare (1564 – 1616), le moment où Roméo tient dans ses bras le corps inanimé de Juliette qu’il croit morte, avant qu’il ne se tue de désespoir et que Juliette ne se réveille et ne se suicide à son tour.

Présentée à l’Exposition universelle de 1855, l’œuvre émut particulièrement le peintre Théophile Gautier (1811 – 1872) : l’étonnement du sépulcre se lit dans le regard fixe et la blancheur exsangue de la ressuscitée qui, hélas ! va bientôt se rendormir du sommeil éternel sur le corps de Roméo. (Le Moniteur universel, Exposition universelle de 1855, 19 et 25 juillet 1855, reproduits à la suite dans le chapitre XIV de Les Beaux-Arts en Europe, Michel Lévy, 1857).

Inspiration et réalisation

C’est seulement à partir de 1854, le 23 juillet précisément, que l’on trouve dans les écrits de Delacroix la première allusion à un sujet tiré de l’histoire de Roméo et Juliette, aussi appelés Les amants de Vérone, avec cette formulation lapidaire : Les parents dans la chambre. Juliette crue morte, et c’est peut-être à cette période qu’il faut dater le tableau du musée Eugène Delacroix. A la date du 22 décembre 1856, la scène de la fille sur le lit qu’on croit morte apparaît à nouveau sous sa plume. Le 23 mai 1858, le peintre revient sur cette idée et inclut la scène de Roméo au tombeau de Juliette parmi une liste qu’il dresse des sujets potentiels à réaliser. Enfin, le 31 décembre 1860, Delacroix note dans une nouvelle liste très précise qu’il dresse des sujets à traiter Roméo contemple Juliette couchée dans le tombeau. – Autrement : il la tire du monument comme dans le petit tableau.

L’intensité de la scène qui se déroule dans la pénombre résulte de l’effet puissant du drapé, grande tache centrale d’une blancheur spectrale qui semble évoquer un linceul. L’effet théâtral est accentué par l’incongruité de cette grande cheminée dans un caveau familial, sans doute vestige d’un décor de scène, ainsi que par l’éclairage qui met en valeur les deux amants.

Delacroix, le plus légitime des fils de Shakespeare

En grand lecteur, Delacroix voue un véritable culte à Shakespeare qu’il place parmi les cinq ou six écrivains qui ont suffi au besoin et à l’aliment de la pensée. De 1835 à 1859, Delacroix ne compose pas moins de vingt tableaux de sujets shakespeariens, sans compter ses seize lithographies d’après Hamlet, autre grande création du dramaturge. Avec sa génération, Delacroix découvre Shakespeare lors de son voyage en Angleterre en 1825. Il assiste ensuite à de grandes représentations en anglais de l’œuvre Shakespearienne au théâtre de l’Odéon et de la salle Favart en 1827.

Bibliographie

  • Michèle Hannoosh, éd., Eugène Delacroix. Journal, Paris, José Corti, 2009, tome 1 et tome 2.
  • D. de Font-Réaulx et Marie-Lys Marguerite (dir.), Shakespeare romantique - Füssli, Delacroix, Chassériau, catalogue d’exposition (St-Omer, musée de l’hôtel Sandelin, 2017 ; Namur, musée Rops, 2017/2018), éd. Editions Musées de Saint-Omer – Hôtel de Sandelin, Saint-Omer, 2017.