Cette palette témoigne d’un état préliminaire à l’élaboration d’une œuvre, celui du choix des couleurs et de leur préparation que Delacroix effectuait minutieusement : Ma palette fraîchement arrangée et brillante du contraste des couleurs suffit pour allumer mon enthousiastme, note-t-il ainsi dans son Journal, le 21 juillet 1850.

Donnée par la petite-fille de Léon Riesener, celle-ci aurait appartenu au peintre Fantin-Latour, à qui Delacroix l’aurait offerte.

Le soin de Delacroix à composer ses palettes

D’après les témoignages de ses collaborateurs, de Pierre Andrieu en particulier, il apparaît que le peintre, lorsqu’il travaillait à ses grands cycles décoratifs, passait de très longs moments à combiner sur sa palette des rapports de tons qu’il reportait sur des bouts de toile fixés au mur de son atelier. De chacun de ces tons, il notait avec soin la composition et le but.  Je n’ai jamais vu, confirme Baudelaire toujours admiratif du peintre, de palette aussi minutieusement et aussi délicatement préparée que celle de Delacroix. Cela ressemblait à un bouquet de fleurs savamment assorties.

Un autre de ses élèves et collaborateurs, Louis de Planet, surtout présent lors des grands travaux de la bibliothèque du palais Bourbon, entre 1838 et 1844, a regroupé dans un ouvrage, Souvenirs de travaux de peinture avec M. Eugène Delacroix, les suggestions et conseils inculqués par le maître.

Les palettes de Delacroix par René Piot (1866-1934)

Le peintre René Piot, qui fut l’élève d’Andrieu, a réuni dans un livre intitulé les Palettes de Delacroix (1930) nombre de réflexions du maître sur la couleur et surtout sur l’organisation de sa palette : par l’analyse détaillée de dix palettes associées à quelques tableaux et peintures murales célèbres, on constate comment, au cours de sa carrière, le peintre fragmente de plus en plus les tons, accordant de moins en moins d’importance à la couleur réelle au profit de l’ombre, de la demi-teinte et du reflet.

Hommage à Delacroix

La tradition orale veut que Delacroix ait offert cette palette à Henri Fantin-Latour (1836-1904). Comme Delacroix, Fantin-Latour accordait un grand soin à la préparation de sa palette. Son admiration pour le maître est à l’origine du tableau qu’il peignit peu de temps après sa mort : Hommage à Delacroix (1864, Paris, musée d’Orsay).

Bibliographie

  • Louis de Planet, Souvenirs de travaux de peinture avec M. Eugène Delacroix, Paris, 1929
  • René Piot, Les palettes de Delacroix, Paris, 1931
  • L’œuvre et la vie d’Eugène Delacroix in Baudelaire, Œuvres complètes, Paris, Gallimard, Pléiade, tome II