L’Etude pour La Grèce sur les ruines de Missolonghi et La Liberté guidant le peuple est le parfait exemple de l’expression préalable d’idées en germe, de recherche de la composition la plus efficace possible selon un sujet choisi et aussi la démonstration que le peintre Eugène Delacroix conservait soigneusement ses études pour réutiliser certaines de ses idées par la suite si le besoin s’en faisait sentir. Delacroix mêle ici, comme souvent, l’écriture au dessin.

La révélation d’un Delacroix dessinateur

Cette feuille d’études porte en bas à gauche le cachet ED de la vente après décès de l’atelier de Delacroix organisée selon ses dernières volontés et qui se tint à l’hôtel Drouot du 22 au 27 février 1864. Les amateurs eurent alors la surprise de découvrir la place immense que tenait le dessin dans l’œuvre du peintre. Ce fut une véritable révélation : plus de six mille dessins furent ainsi dispersés. Dessins préparatoires ou dessins plus aboutis, c’était en fait un aspect que les contemporains ignoraient du peintre.

Les héros de Missolonghi

En 1825-1826 se déroula en Grèce le siège de Missolonghi, épisode clef de la guerre d’Indépendance grecque contre l’occupation ottomane, dans les années 1820. En 1826, afin de rendre hommage à l’héroïsme de la nation grecque, Delacroix choisit de peindre pour la troisième fois un nouvel épisode de cette guerre d’indépendance. Encerclée par une armée de trente-cinq mille hommes soutenue par la flotte turque, la ville de Missolonghi, port stratégique qui avait déjà résisté à deux sièges et qui ne disposait que de quatre mille défenseurs, préféra s’immoler plutôt que de tomber aux mains de ses ennemis turcs.

D’emblée, Delacroix songea à incarner la Grèce par une figure allégorique. Il s’agit d’abord sur ce dessin d’une figure agitée, tout en mouvement, qui entraîne une foule derrière elle, peut-être conduisant à la lutte. Dans la toile finale, le peintre opta pour une allégorie toute classique, une jeune femme, figure marmoréenne, portant un costume oriental, une effigie statique qui semble comme résignée et qui s’offre en martyr.

Delacroix reprendra cinq ans plus tard cette idée de la femme conduisant à la lutte dans une œuvre commémorant les journées de la révolution de juillet 1830 en France, la très célèbre La Liberté guidant le peuple (Paris, musée du Louvre), associant allégorie et représentation historique.

Bibliographie

Hélène Toussaint, Les dossiers du département des peintures, La Liberté guidant le peuple de Delacroix, Paris, RMN, 1982.